La vie sexuelle des cannibales - J. Maarten Troust

Un jeune couple d'Américains quitte Washington et leur confort pour le bout du monde afin de retrouver une vie "originelle" et accomplir de bonnes œuvres : l'archipel des Kiribati dans le pacifique sud. L'atoll de Tarawa de 30 km² n'est pourtant pas le paradis espéré malgré le soleil, l'eau turquoise et l'exotisme. Les affres de l'insularité  ne tardent pas à pointer leurs ailerons dans le lagon : l'aigreur des expats en mal du pays, l'inanité des politiques, l'inefficacité  des  fonctionnaires, la rareté des biens de consommation les plus basiques, l'absence d'électricité, d'eau et de bia "Sans bière, la vie sur cet atoll ne valait pas la peine d'être vécue", les plages paradisiaques minées de matières fécales et de détritus, la ciguatera, la Macarena ... Mais avec le temps, les rencontres, les amis, la culture locale, la pêche au gros, les langoustes, le bodyboard... nos I-matangs (dénomination locale des blancs à l'instar des z'oreilles à la Réunion, des M'zungu à Mayotte...) vont s'adapter et "se tropicaliser". Après leur retour, ils garderont de leur vie de Robinson des souvenirs impérissables, une certaine sagesse et peut-être même quelques regrets de leur vie passée face à la vacuité du monde moderne.
Ce récit de voyage mâtiné d'histoire, d'ethnologie et à l'humour corrosif dépeint l'envers d'un décor idyllique. C'est aussi une critique acerbe des programmes dispendieux mais inutiles des institutions internationales et des grandes puissances colonisatrices qui ont trouvés un temps ces îlots esseulés digne d'intérêt pour perfectionner leur arsenal mortifère. Mais dont aujourd'hui elles se moquent de la disparition programmée du fait du réchauffement et de la montée du niveau des océans qui feront des I-Karibati les prochains réfugiés climatiques (un autre livre sur les Kiribati, tout aussi bon : Paradis (avant liquidation) de Julien Blanc-Gras (Le Livre de Poche, 32993, 2013). A lire avant de partir ou pour se souvenir !

La vie sexuelle ds cannibales - J. Maarten Troust, Folio n°5583, 2004.

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